Bilan de l’année 2020 par Slobodan Despot

Je vous transmets encore ici un article de l’Antipresse de ce 27 décembre, écrit par Slobodan Despot parce que je considère que c’est très bien écrit et que cela donne le recul nécessaire à de vraies analyses et réflexions.

Peut-être que ceci vous incitera à encourager et vous abonner à l’Antipresse

PAVILLON 2020 OU L’HOSPICE DU DOCTEUR KNOCKENSTEIN

Le Dr Frankenstein avait créé l’humain de synthèse à partir de chairs mortes. Le Dr Knock persuadait ses patients qu’ils n’étaient que chairs mortes en sursis. Les deux se sont alliés en 2020 pour transformer le monde en hôpital cyberpsychiatrique.

«L’homme moderne ne se considère pas comme faisant partie de la nature mais comme une force extérieure destinée à la dominer et à la conquérir. Il parle même de lutte contre la nature, oubliant que s’il gagnait la bataille, il se retrouverait du côté perdant.» (E. F. Schumacher)

Nous vivrons en 2021, j’en suis convaincu, la dernière bataille de l’humanité. Je parle de cette humanité qui peuple nos livres d’histoire, nos fresques, nos albums de famille, nos légions d’honneur et nos prisons. De l’humanité qui s’affronte au goulot de bouteille, qui pratique le délit de fuite, qui planque des résistants à la cave et des comptes en banque aux Bermudes. De l’humanité qui braconne pour braconner et qui jette ses détritus n’importe où. De l’humanité qui grogne, qui conteste, qui fume sans raison, qui triche à l’assurance, qui écrit des chefs-d’œuvre sur des bouts de nappe, qui allaite les enfants de la voisine anémique avant de porter à mémé son bouillon d’onze heures. De l’humanité qui construit le Taj Mahal par chagrin d’amour et des ponts somptueux qui ne mènent nulle part. De l’humanité qui gémit dans les enfers ou qui attend aux portes du paradis.

On pourra toujours, si cette bataille est perdue, appeler ses rescapés «humains» par abus de langage comme on appelle «poisson» les barres Findus. Ce ne sera jamais qu’un coup d’accélérateur dans un processus engagé de longue date. Un raz-de-marée plutôt qu’une infiltration. C’est pourquoi l’an qui vient sera aussi l’heure du grand inventaire, le plus exhaustif depuis que nous avons découvert l’écriture et la religion: que sommes-nous, qui est JE, et y a-t-il une part de mon être que je ne veux céder à aucun prix, pas même celui de la vie?

Des hommes sans goût et sans flair

L’infiltration a déjà accompli l’essentiel du travail. Ne trouvons-nous pas normal que le plus humble avocat vendu dans les supermarchés soit affecté d’un identifiant unique sous forme de code-barres et relié à sa base de données par satellite? Et ne vend-on pas comme «poulets» de pauvres créatures élevées en quelques semaines dans une boîte et qui ne peuvent même pas tenir sur leurs pattes? Et comme «tomates», les poches à eau insipides importées en toute saison de Hollande? Ce sont, reconnaissons-le, des prouesses de la science, mais d’une science du gavage et de l’outrage dont La Grande Bouffe de Marco Ferreri est la grand-messe.

Les Physiocrates du XVIIIe siècle auraient applaudi à tout rompre ces ruptures d’avec le calendrier naturel… jusqu’à ce qu’ils y goûtent. Ou bien, en ancêtres directs de nos transhumanistes, auraient-ils estimé la dénaturation de tout comme un «mal nécessaire» sur le chemin de la parfaite prospérité?

Pourquoi cette dénaturation ne s’étendrait-elle pas aussi à notre espèce? Qu’est-ce qui empêche les propriétaires de l’élevage de proclamer la fusion de notre identité «physique numérique et biologique»?

Ne sentions-nous donc rien venir? Non. Car nous n’avions plus d’antennes pour cela. Il n’y a pas de hasard! L’agueusie (privation de goût) et l’anosmie (privation d’odorat) sont les symptômes caractéristiques du covid. Avec ses sens éteints et sa frousse innée, l’homo supermercator a été tétanisé par la menace immédiate, sans percevoir l’arrière-goût douteux de la médecine qu’on lui opposait. Neuf mois plus tard, il en est arrivé à attendre sans réagir qu’on le pique plus ou moins sous la contrainte avec des sorcelleries(1) bâclées à base d’ailes de chauves-souris (faux) ou de fœtus avortés (vrai) dont nul ne sait rien des bénéfices ni des effets secondaires.

L’année de l’entonnoir

Le bilan de l’année 2020 est vite fait. Même si la bourse a grimpé comme jamais, même si les conflits internationaux se sont envenimés, même si la pression migratoire n’a pas faibli, il n’y a qu’un seul sujet dont tous les paramètres de notre vie et de notre mort découlent désormais: l’état d’urgence sanitaire établi sous le prétexte de combattre le SARS-Cov-2. Le rôle des instances politiques dans nos pays s’est réduit à gérer tant bien que mal les modalités de ce chamboulement sans jamais en questionner les causes.

Le nouveau dieu a donc mis en œuvre son coup de force. Quel dieu? Je le présentais il y a un an exactement, dans mon bilan de 2019:

Au début de mon périple asiatique, marchant sur le Baïkal gelé avec un certain pincement au cœur à l’approche des multitudes connectées de la Chine, j’avais imaginé qu’un nouveau pacte se nouait au-dessus de nos têtes. Le projet de Dieu, le nôtre, l’ancien, avait échoué. L’homme n’était pas à la hauteur. Il menaçait de souiller sa propre niche et d’empoisonner sa gamelle, tel un chien sénile. Il avait trop proliféré pour continuer en tant qu’espèce différenciée, avec son anarchie et ses excentricités. Il consommait trop, ronchonnait trop, ruait trop, coûtait trop.

Devant l’imminence du désastre, un nouveau dieu, plus cynique, venait proposer au vieux de reprendre son affaire pour la relancer sur d’autres rails. En commençant par modifier l’espèce. Notre maquis foutraque serait réduit à un gazon bien lisse, l’homo sapiens arraisonné, taillé, recadré, polarisé comme les molécules d’un aimant. Le noyau d’identité appelé personne passerait de l’individu à la collectivité (la ruche). Dès lors, loger vingt ou cinquante milliards d’unités humanoïdes sur la planète ne poserait plus de problèmes. Et l’on avait, par surcroît, les outils à disposition, entre l’omnisurveillance informatisée, la biotech et la soi-disant «intelligence artificielle», en réalité outil de simplification de l’esprit humain. Le Dieu d’Abraham (mais aussi le Principe du Tao, le Brahman de la Bhagavad-Gita et l’Olympe au grand complet) a-t-il, de guerre lasse, validé le deal, passé la main, accepté la solution managériale à son échec sur Terre? Ou s’est-il rebiffé? (Antipresse 213, 29/12/2019)

Multitudes connectées, modèle chinois, collectivisation, omnisurveillance, biotech, intelligence artificielle, politique remplacée par le management. Le décor y était, ne manquait que la story. Je n’y avais pas pensé, mais un virus est le joueur de flûte idéal pour nous mener à la contention. Seules la police et la médecine, dans l’état de droit d’où nous sommes désormais sortis, avaient sous certaines conditions le droit de contrainte corporelle à l’endroit des citoyens. La dictature policière effraie la masse. La dictature médicale rassure. Le cobaye qui s’ignore de l’expérience de Milgram ne pouvait être persuadé de torturer son prochain à mort que par une blouse blanche, jamais par un flic. Et l’épidémio-logique fait de chacun d’entre nous un tueur potentiel en même temps qu’une victime. La culpabilisation s’ajoute à l’intimidation: si vous dédaignez l’une, vous succomberez à l’autre. Échec et mat.

De l’utilité du scandale

2020 est donc l’année de la bascule, comme sa typographie le décrit. Par deux fois, le deux se résout en zéro, l’opposition des pôles en néant. En neuf mois, le grand hospice occidental, dont les oppositions internes étaient devenues insolubles(2) a basculé dans le néant social, le néant légal, le néant politique et, cerise sur le gâteau, le néant médical. Il a désappris à traiter la grippe et appris à l’aggraver en pneumonie. Il a édicté un contre-serment d’Hippocrate enjoignant le médecin de renvoyer chez lui le malade qui frappe à sa porte. Il envisage des camps d’internement pour apprendre aux infectés la solidarité civique. Ne serait-ce qu’à titre de menace, sous prétexte d’une grosse grippe, c’est totalement renversant: comme traiter les poux à la mitraillette. Orwell n’était pas allé jusque-là, il était somme toute romancier. Or l’avantage de la réalité sur la fiction, comme le disait Mark Twain, c’est que la réalité, elle, n’a pas besoin d’être vraisemblable.

Le scandale est d’ailleurs l’un des outils de commotion de la masse éperdue. On ne peut pas croire que le Pouvoir veuille tirer profit de la situation pour se renforcer et se protéger du peuple par tous les moyens disponibles, comme il l’a toujours fait (parce qu’on a enseigné aux bisounours post-soixante-huitards que le Pouvoir était une relique du passé et qu’il n’y avait que des gentils organisateurs). On ne peut pas croire qu’une industrie notoirement corrompue ait infiltré les institutions, les revues scientifiques et les médias jusqu’à la moelle par la puissance corrosive de son fric. On ne peut pas croire qu’à un confinement inefficace et destructeur en succédera un deuxième, puis un troisième… jusqu’à ce que trois quarts de vos bistrots familiers disparaissent au profit des grandes chaînes comme le WEF de Davos nous l’annonce en toutes lettres(3).

Cela dépasse l’entendement des vierges effarouchées: cela n’existe donc pas. On préfère avaler des fariboles pour petits enfants plutôt que de voir la réalité en face.

Covid-XX

Raison de plus pour la désigner telle qu’elle est: vous êtes largués en rase campagne. Vos élites vous ont lâchés. Vous devez toujours les financer mais elles ne travaillent plus pour vous. Elles ont troué la coque du paquebot et ne songent plus qu’à s’assurer pour elles-mêmes une place dans les chaloupes. Les mesures qu’elles prennent sont plus ineptes les unes que les autres et personne n’est relevé de ses fonctions. Au contraire: les fourriers du désastre publient des livres.

Et il n’y a aucune raison objective que l’hystérie prenne fin. Avec un taux de létalité comme celui du Covid-19, n’importe quelle infection ultérieure fera l’affaire. Toute grippe pourra désormais être baptisée Covid-22 ou Covid-35 et justifier la poursuite du saccage. D’autant que la destruction de l’immunité physique et morale par les mesures antérieures aura rendu la population encore plus vulnérable. C’est un cercle vicieux descendant en entonnoir. Et au bout de l’entonnoir: la piqûre magique. «Aller simple vers la guérison!», comme dit le slogan si scrupuleux des pharmaciens suisses.

En 2021, la planète entière doit devenir un laboratoire d’expérimentation biologique à ciel ouvert. Alors qu’en 2019 encore, un analgésique douteux ou un colorant alimentaire mal documenté suscitaient des interpellations parlementaires et des mouvements de consommateurs. Le corps humain, jusqu’alors, était un sanctuaire protégé par les articles fondamentaux de nos codes de lois. (Rappelons-nous que tout le droit à l’avortement repose sur un dogme absolu de l’individualisme moderne: Moi seule dispose de mon corps et de ce qu’il y a dedans!) Or voici qu’il est devenu aussi accessible que celui des animaux d’élevage. Open bar!

Le vrai mystère

Nos autorités ne peuvent pas être aussi stupides! D’accord, alors quoi?

La question n’est pas de savoir si cette catastrophe a été planifiée, surexploitée ou seulement sousgérée par des sousresponsables sousintelligents. C’est là encore une discussion oiseuse pour les complotistes. Le déroulé des événements était largement prévisible sitôt qu’on s’est rendu compte que le virus ne tenait pas ses promesses de terreur et que le système a mis en branle le train fantôme pour y suppléer en produisant fausse alerte sur fausse alerte, fausse projection sur fausse projection, en désactivant les traitements possibles, en réduisant de manière planifiée les capacités hospitalières et promettant des remèdes sans garantie à des pestes incertaines. Les quatre cent mille morts en France annoncées par l’autocrate aux yeux hallucinés arriveront peut-être, mais le virus n’y sera pour rien.

La question ne porte pas sur l’assaillant, elle porte sur l’assiégé. En l’occurrence, sur le monde où nous avons vécu avant 2020. La question est de comprendre comment tous les piliers de la civilisation «démocratique» ont pu se volatiliser aussi facilement sous les coups de boutoir d’un virus à 0,025 % de mortalité globale(4). Si, en l’an 1453, les Turcs étaient entrés dans Constantinople en poussant la porte du bout de la babouche, qu’est-ce que cela nous aurait appris sur ceux qui défendaient la cité?

Si tout s’est déroulé aussi rondement, c’est bien que, d’une certaine façon, on n’attendait que ça.

/A suivre./

Bibliographie

Mary Shelley: Frankenstein ou le Prométhée moderne, Gallimard.
Jules Romains: Knock ou le triomphe de la Médecine, Gallimard.

Notes
  1. Sens originel du mot grec pharmakopeia, devenu pharmacie.
  2. Voir nos remarques sur l’hypernormalisation«Pourquoi il ne se passe rien (1/2)», AP101 | 05/11/2017;«Pourquoi il ne se passe rien (2/2)», AP102 | 12/11/2017.
  3. Klaus Schwab/Thierry Malleret, COVID-19: The Great Reset, chap. 2.2.1: «En France et au Royaume-Uni, plusieurs voix de l’industrie estiment que jusqu’à 75 % des restaurants indépendants pourraient ne pas survivre au confinement et aux mesures de distanciation sociale qui en découlent. Les grandes chaînes et les géants de la restauration rapide survivront. Cela laisse supposer que les grandes entreprises vont s’agrandir tandis que les plus petites vont diminuer ou disparaître.» On appréciera la rondeur suave des tournures.
  4. Point de situation Covid du 19.12.2020 de Dominique Delawarde.

Psychose, mode d’emploi (bases psychiques de la covidéologie)

Un extrait de l’article écrit par Slobodan Despot dans l’Antipresse n° 264.

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Panique de rigueur


Tout au début de la pandémie, j’ai été inclus dans des réseaux d’échange d’informations impliquant des cadres de sociétés multinationales. Assez rapidement, j’ai fini par survoler d’un œil distrait les messages: on ne faisait que relayer les nouvelles médiatiques les plus alarmantes sans jamais les mettre en doute ni les contrebalancer par des analyses indépendantes. Le même conformisme régnait dans les revues et plateformes spécialisées dans la technologie ou le business. La seule option agréée était celle du «all out panic». Panique intégrale! Nous étions confrontés à la nouvelle peste bubonique, toute contestation de cette vérité vous attirait des regards soupçonneux (et des étiquettes infamantes). Des dysfonctionnements graves de la communication scientifique, comme les erreurs de modélisation désastreuses de Nigel Ferguson et de l’Imperial College, ou les études bidon publiées dans le Lancet ou le New England Journal of Medicine, étaient parfois mentionnés avec un smiley dubitatif, mais jamais on ne prenait la peine de tirer les conclusions qui s’imposaient. A la différence des humanistes sceptiques et du public ordinaire (lorsqu’il avait accès à ces informations), les technocrates n’ont jamais été affectés par ces démentis de leur vision catastrophiste et ultrasécuritaire. Les gardiens de la raison gestionnaire n’ont pas fait barrage à l’hallucination collective, ils en étaient des relais passifs ou actifs.

«Qu’ont-ils fait de leur esprit critique?» me suis-je demandé, me rappelant que le critical thinking est l’une des disciplines de base dans les grandes écoles de management où tous ces apparatchiks passent leur MBA.

J’ai eu l’occasion d’étudier de près le programme d’une des écoles de business les plus prestigieuses au monde. On s’y targuait d’apprendre aux étudiants — qui étaient déjà des professionnels actifs à des postes de responsabilité —, à «penser par leur propre tête». L’accent mis sur cette discipline m’a laissé pensif. Parce qu’ils ne l’ont jamais appris avant? A voir la réaction façon «banc de poissons» de la technocratie corporative au printemps 2020, je me suis demandé si cette composante de leur formation signifiait quelque chose. J’ai donc rouvert leurs livres de classe.

La disponibilité mentale, porte d’entrée de la manipulation

Parmi ceux-ci, les travaux du prix Nobel Daniel Kahneman occupent une place… pontificale. Sa théorie des deux vitesses de la pensée (Système 1: l’intuitive, fulgurante et peu fiable; Système 2: la rationnelle, lente et minutieuse) est un incontournable dans la formation de l’élite dirigeante de la technosociété. Il enseigne à se méfier de son intuition, prendre du recul et passer ses réflexes au crible d’une analyse posée et méthodique. Penser lentement, décider rapidement!

Or, c’est dans le livre même où cette théorie axiale est exprimée que j’ai trouvé la meilleure clef de compréhension, à ce jour, de la psychose délirante où nous vivons. Dans Thinking, Fast and Slow(1), Kahneman s’attache à débusquer des «biais cognitifs» surprenants dans les raisonnements courants, même chez les gens formés et payés pour réfléchir. Au 12e chapitre, il s’attarde sur la «science de la disponibilité» en se référant aux travaux de son collègue Paul Slovic, de l’Institut de recherche d’Eugene, dans l’Oregon. Slovic et son équipe avaient montré que notre démarche heuristique (acquisition de connaissances) était bien davantage influencée par la disponibilité des éléments d’information que par leur fiabilité ou leur véracité — la paresse mentale étant l’un des paramètres essentiels de l’esprit humain. Lorsqu’on demande aux sujets du groupe A de se rappeler six moments où ils ont agi de manière affirmative, et à ceux du groupe B de se rappeler douze moments pareils, les sujets du groupe A se considèrent en fin de compte plus sûrs d’eux-mêmes que ceux du groupe B, qui ont dû fournir un plus grand effort pour répondre aux critères. Ceci, alors même que le sujet du groupe B, en principe, est objectivement plus sûr de lui. La fluency (aisance d’accès) des informations est l’élément clef de la construction des certitudes ordinaires.

On le voit d’ici: nous tenons là la porte d’entrée de la propagande de masse («un mensonge répété cent fois devient une vérité»).

La cascade hallucinatoire

Mais le mécanisme qui nous intéresse est décrit au chapitre suivant, «Disponibilité, émotion et risque». On y fait intervenir un facteur nouveau: celui de la médiatisation. Ainsi, dans la population générale, les opinions quant à la fréquence des causes de mortalité apparaissent directement liées à la couverture médiatique. («Les crises cardiaques causent presque deux fois plus de morts que tous les accidents cumulés, mais 80% des répondants jugent la mort par accident plus probable.»)

Dans l’examen de l’interaction public-médias, deux autres psychologues, Cass Sunstein et Timur Kuran, ont forgé le concept de cascade de disponibilité. Il s’agit d’«une suite d’événements qui font boule de neige», comme dans la surenchère astronomique des médias serbes lors de l’éclipse d’août 1999.

Cette cascade, explique Kahneman (p. 142), peut être déclenchée par l’exploitation médiatique d’un sujet «relativement anodin» et entraîner, en fin de compte «la panique du public et une intervention musclée de l’Etat».

Sujet relativement anodin? Kahneman cite des cas de pollution locale qui deviennent des motifs d’inquiétude nationale, ou d’infimes risques d’empoisonnement aux pesticides qui ont pratiquement tué aux USA la vente des pommes, devenues «cancérigènes». Mieux encore: le dégât concret n’est pas nécessaire. Un risque suffit.

«Dans certains cas, la couverture médiatique d’un risque captive un segment du public, qui devient alors agité et inquiet. Cette réaction émotionnelle devient ensuite un sujet en soi, qui sera à son tour abordé par les médias.»

Observons bien: nous n’en sommes plus au stade du dégât concret, ni même du risque qu’il survienne. Nous en sommes à gérer la réaction du public au risque d’un mal qui n’a pas encore pointé le bout de son nez, soit à deux stades d’abstraction au-dessus du fait en soi! Résultat?

«L’inquiétude ne fait que décupler et les esprits s’échauffent encore davantage. Parfois, le cercle vicieux est même délibérément créé par des “agents de disponibilité”, ces personnes ou ces organisations qui veillent à la circulation ininterrompue de nouvelles inquiétantes. Le risque est de plus en plus exagéré au fur et à mesure que les médias se disputent l’attention du public au moyen de titres accrocheurs.»

Des agents de disponibilité? Des semeurs de panique délibérés? N’allons pas convoquer les ténèbres du complot. Nous suffisent les médias qui nous lavent le cerveau du matin au soir en agitant le spectre du risque et le confondant avec le danger lui-même. Dans le cas du Covid, on l’a entendu mille fois: certes, ce n’est pas la peste, mais elle est pour demain si… (Et d’avancer des modélisations bidon à l’appui, toujours catastrophistes.)(2)

Couronnement de la manœuvre: la psychose se mue en dogme et développe son idéologie propre. S’ensuit nécessairement la purge des hérétiques:

Le discours des scientifiques et de ceux qui tentent de dissiper les craintes et la révulsion grandissante suscite peu d’intérêt, mais beaucoup d’hostilité: quiconque ose affirmer que le risque est surévalué est soupçonné d’être affilié à un complot odieux.

En covidéologie, on voulu faire croire que le «discours des scientifiques» était, au contraire, unanimement du côté des alarmistes. Puis, malgré la chape de plomb médiatique, il s’est avéré qu’un grand nombre de scientifiques de renom ne croyaient pas au récit imposé. On connaît le Dr Raoult en France, mais il en va de même en Allemagne (Sucharit Bhakdi, l’un des plus illustres microbiologistes mondiaux), aux USA (le prof. John Ioanidis de Stanford), en Grande-Bretagne (Dr John Lee), etc.

Dans une construction idéologique, cela ne change rien à l’affaire. La Déclaration de Great Barrington, initiée en octobre par des médecins de Harvard, Stanford et Oxford, condamne la politique du confinement comme rétrograde et contreproductive. Elle a été signée par plus de 15’000 autorités médicales et scientifiques dans le monde. Pourtant, cela n’a pas plus influencé les politiques et leurs «experts» (souvent inconnus) que s’il s’était agi d’une pétition de collégiens. A contrario, des bureaucrates sans aucun crédit scientifique — voire les «modérateurs» anonymes de Twitter — sont autorisés à juger et censurer le travail de praticiens et de chercheurs chevronnés. «Un argument d’autorité» qui, selon le Dr Raoult, n’a été vu «que dans les situations de fascisme ou chez Ceausescu… c’est spectaculaire!»

On en arrive ainsi à classer parmi les complotistes aussi bien les cliqueurs nocturnes survoltés que des sommités de la science. Tous sont logés à la même enseigne. Seuls sont «compétents» pour gérer la crise les technocrates et leurs «experts» cooptés sur des critères incertains (parmi lesquels leur proximité avec l’industrie pharmaceutique se profile tout de même comme une constante). Les dissonants sont discrédités et bâillonnés à la hâte, arbitrairement, sans argument de fond (comme le Dr Perronne vient d’en faire l’expérience). Et personne, pas même les pachas et les vizirs du système, n’est à l’abri de la purge.(3)

Expertocratie, la course à la ruine

Enfin, nous arrivons à l’apothéose. Partant d’un «sujet relativement anodin», on créé une hypnose collective qui occupe désormais tout l’horizon mental de la société.

«La cascade de disponibilité a remis à zéro les priorités. Les autres risques et les autres manières de distribuer les ressources publiques sont passés à l’arrière-plan.»

C’est pourquoi, entre autres choses, les mises en garde sur les dégâts collatéraux de la «guerre» à la pandémie, économiques, psychologiques ou sanitaires, restent lettre morte. Même les nouveaux risques directement induits par la covidéologie disparaissent du champ de vision. Les hôpitaux ferment tous leurs services «cause Covid», quitte à rester déserts. Les patients ne sont plus pris en charge, les opérations urgentes sont renvoyées ad æternam(4). Les sociétés les plus médicalisées au monde laissent leurs malades au bord du chemin.

Le monde occidental, en particulier, est devenu un château de la Belle au Bois dormant. Les responsables politiques dépassés laissent la barre à des experts psychorigides à la voix métallique qui semblent tout droit sortis des laboratoires de la biorobotique. Des chiffres sont invoqués comme des formules magiques.

Là encore, Kahneman, ou plutôt son collègue Slovic, nous avait prévenus: face au risque, les experts sont généralement moins bien armés que le commun de la population.

«Il souligne que les experts mesurent souvent les risques par le nombre de vies (ou d’années de vie) perdues, tandis que le public trace des distinctions plus subtiles, par exemple entre les “bonnes” et les “mauvaises” morts… Ces distinctions légitimes sont souvent ignorées dans la statistique qui ne tient compte que des cas. Slovic en déduit que le public a une conception plus affinée du risque que les experts. Il conteste donc fortement l’idée que les experts doivent diriger, ou que leurs opinions doivent être acceptées sans conteste lorsqu’elles entrent en conflit avec les opinions et les souhaits des autres citoyens.» (p. 140)

D’éclipse en éclipse

Comme en cet étrange 11 août 1999, j’ai été frappé tout au long de l’année 2020 par le silence aligné — honneur aux exceptions — des «sachants» sur la dérive psychotique qui s’amplifiait sous leurs yeux. Personne n’avait donc lu Kahnemann, en particulier cette page 142 de son livre qui nous donne en trente lignes le scénario complet? L’auteur lui-même avait anticipé cet aveuglement en observant, non sans ironie, que la tendance à l’auto-illusion des individus s’aggravait à proportion de leur puissance, réelle ou perçue (p. 135). Les chefs, selon lui, ont plus tendance à «suivre le troupeau» que les subalternes, alors qu’on s’attendrait plutôt au contraire. (Molière et Gogol, eux, avaient bien compris et illustré ce paradoxe.)

Les cadres supérieurs de la société occidentale avancée sont-ils enflés et stupides à ce point? J’ai souvent été tenté de répondre «oui». Mais je leur laisse une porte de sortie qui est encore pire. Peut-être savent-ils parfaitement tout ce que je viens de décrire — après tout, cela vient de leurs livres de classe — et se taisent. Si la pandémie de 2020 a profité à une caste, c’est bien celle des multinationales et de la haute administration. Qui, dans la dystopie communiste qu’on nous prépare, ne seront qu’une seule et même nomenklatura. Mais ceci mérite un chapitre à part.

—•—

Post-Scriptum

Le Covid-19 n’est pas certes pas une maladie anodine, mais l’autodestruction sociétale qu’on lui soumet en offrande est totalement hors de proportion. Ce qui est intéressant à remarquer, c’est que la cascade de disponibilité ne peut être enclenchée qu’à partir d’une cause mineure. Comme lors de l’éclipse à Belgrade, la surréaction est un indice de la bénignité de la cause: un danger réel aurait été géré avec réalisme. On a vu, notamment dans L’Incident, le livre de Nicolas Lévine sur le début de la crise, le flottement désinvolte des gouvernements et des médias se focaliser en vent de panique à jet continu à partir de la mi-mars, essentiellement à cause d’une modélisation catastrophiste (et non à cause de l’impact concret de la maladie). Aujourd’hui encore, dans la plupart des pays, la population n’aurait pas connaissance d’une épidémie démesurément plus grave que la grippe si le système médiatique (médias + gouvernement + experts) ne l’en persuadait quotidiennement. Avec un narratif serein, on aurait pu gérer cette épidémie comme les précédentes sans instaurer la dictature sanitaire.

Notes
  1. Traduit en français par Système 1 / Système 2. Les deux vitesses de la pensée (éd. Flammarion). J’utilise pour ma part la version originale de Penguin, 2011.
  2. Tenant compte du fait que la Fondation Bill & Melinda Gates a investi plus de 250 millions de dollars dans des dizaines de médias, et vu la concordance de leurs tendances avec les projections de Gates, on peut tout de même qualifier ces médias d’agents de disponibilité délibérés. Voir «Conspirationnisme officiel contre conspirationnisme sauvage», AP247, 23/08/2020.
  3. Comme on l’a vu à Moscou en 1934.
  4. Il serait utile d’estimer dans quelle mesure le pic de mortalité de l’automne 2020 dans nos pays est induit par l’incurie et la désorganisation «cause covid» des systèmes de santé. Personne n’y songe, évidemment.

Joe Biden existe-t-il vraiment ?

Extrait du numéro 258 de l’Antipresse de Slobodan Despot

USA: AU PAYS DU RÉEL UBÉRISÉ
Joe Biden existe-t-il vraiment? A-t-il vraiment dérapé comme on l’a vu déraper? A-t-il vraiment tenu les propos qu’il a tenus? Au vu de la situation, il est sage et logique de répondre par la négative. Tout cela n’est jamais arrivé et Joe est en parfaite santé mentale. Voici pourquoi.Tes en train de gagner! — Gagner quoi?T’es en train de gagner! — Gagner quoi?
«Tous les hommes et les femmes, créés par, vous savez, vous savez… la chose.» (Joe Biden)

Avec ses absences, ses gaffes, ses quiproquos et ses lapsus, le candidat Biden a rendu les Américains rouges… de rire. Tous les Américains? Non. Pas les démocrates ni les journalistes de grand chemin, qui ont passé sur ses erreurs système avec l’expression absente du chat qui caque.

Pourtant Sleepy Joe n’en a pas manqué une, entre les remarques racistes, le pelotage d’enfants, la surestimation fantaisiste des morts militaires du Covid (6114 militaires selon lui pour 7 cas avérés)(1), et j’en passe. Pour le plaisir, on peut revoir en boucle la séquence où le célèbre présentateur de Fox News, Tucker Carlson, singe ses borborygmes sans queue ni tête en plein discours de campagne.

L’aveu capital qui ne signifiait rien.

Mais, à la lumière du déroulement des élections et des soupçons de magouilles pro-Biden assez solidement documentés dans plusieurs États, une énième bévue du vieux Joe prend un relief singulier. Le 24 octobre, de manière très distincte et sans se reprendre, il déclarait dans une interview: «nous avons mis sur pied la plus vaste et la plus inclusive organisation de fraude électorale dans l’histoire des États-Unis.» La séquence a été diffusée en mode viral par le camp Trump. En face, ce fut un silence consterné. Quelques «fact-checkeurs» ont essayé d’amortir le choc en la remettant dans son contexte… mais ne faisant que souligner l’énormité de ce «lapsus freudien». Comment interpréter cet aveu? Soit M. Biden dit la vérité, soit il dit n’importe quoi. S’il dit la vérité, il doit être arrêté, et M. Obama — mentionné dans la même phrase — avec lui. S’il dit n’importe quoi, c’est qu’il est dément — diagnostic attesté par ses dizaines de boulettes antérieures — et donc inapte à la fonction qu’il vise. Aucune des deux options n’a été retenue ni même commentée en dehors du mouvement trumpiste.

Il y a donc une troisième option à considérer: il ne l’a jamais dit. C’est, on le verra, l’option la plus opportune dans le contexte actuel et du même coup la plus préoccupante. Car, à la différence des faits et gestes du président sortant, constamment épiés et disséqués, ce que dit ou fait le candidat Biden n’a absolument aucune incidence. Ses propos peuvent reposer sur des faits avérés ou relever de la fiction complète, cela ne change rien. Le parti pris total des médias en sa faveur a abouti à un résultat absurde: il l’a fait disparaître!

Des studios de CNN à la rédaction de la Radio-Télévision Suisse romande à Genève, le candidat Biden n’existe pas en tant qu’homme en chair et en os. L’homme réel est un vieillard compromis et gâteux, à qui aucun médecin responsable n’accepterait de prolonger le permis de conduire. Le personnage public Biden n’existe qu’en tant qu’hologramme chargé de défaire le président sortant au nom du camp du Bien (et du conglomérat d’intérêts qui le sponsorise), quitte à se dissiper ensuite dans la nature comme une apparition.

Du temps où un chef d’État devait être valide…

Au siècle précédent, un chef d’État avait fait scandale en dissimulant un problème de santé qui ne compromettait en rien ses facultés mentales. Quelques mois après son accession au pouvoir, François Mitterrand s’était découvert un cancer de la prostate. Avec l’aide de son entourage et de ses médecins, il l’avait dissimulé aux Français. Si le diagnostic avait été éventé avant 1988, Mitterrand n’aurait jamais pu envisager un deuxième septennat. En novembre 1994 seulement, son médecin le Dr Gubler estimera qu’il n’est «plus capable d’assumer» son mandat, obnubilé qu’il est par sa maladie. Jusque-là, le Machiavel socialiste aura trompé tout son monde.

Or personne ne peut ignorer l’état de Joe Biden. On fait donc comme si ses dérapages n’avaient aucune importance. Le désaveu de Biden président vient avant tout de son propre camp, qui comprend l’ensemble des médias de grand chemin, et qui lui voue l’absolution machinale qu’on réserve aux demeurés.

Le digne fils de son père.

Mais Joe est un cumulard: à la démence, il ajoute la corruption. Une affaire «opportunément» divulguée à quelques semaines des élections est venue documenter sa compromission dans les affaires douteuses de son fils Hunter, avec lesquelles Joe jurait, la main sur le cœur, n’avoir aucun rapport. Ces affaires sont grésillantes et enchevêtrées comme un réseau électrique à Calcutta, mais l’une des plus éloquentes concerne le fauteuil à 50’000 $ par mois de Hunter au sein du conseil d’administration de la firme gazière Burisma en Ukraine, pays où il n’a jamais mis les pieds. Où il n’avait du reste rien à faire, son poste comme tous ceux qu’il a occupés relevant uniquement de la figuration. C’est papa Joe qui est allé à Kiev réclamer la tête du procureur Shokine qui voulait fourrer son nez dans les affaires de Burisma. Il s’est même publiquement vanté d’avoir obtenu le limogeage du magistrat trop curieux par un chantage au gel des aides d’État américaines. Mais cela n’avait, bien entendu, aucun rapport avec les affaires de son fils dont, mon Dieu, il se gardait bien de se mêler. Puis Hunter, le fils à papa polytoxicomane qu’on promène de sinécure en désintox et de désintox en sinécure, a commis une gaffe qui montre bien de qui il est le fils. Il a réussi à oublier son ordinateur portable chez un réparateur! Lequel réparateur, passé un délai d’attente légal, est légalement devenu propriétaire du computeur abandonné. Dont le disque dur contenait une charge nucléaire. Enfin, aurait contenu une charge nucléaire si son premier propriétaire n’avait fait partie du clan Biden-Clinton, dont les ardoises s’effacent mystérieusement au fur et à mesure et quoi qu’il arrive. L’informaticien a dûment déclaré sa prise au FBI, où on lui a dit, en résumé, qu’il avait une gentille famille et qu’il serait dommage qu’il lui arrive des bricoles. Par précaution, il avait fait deux copies du disque. On y découvre une correspondance pléthorique illustrant la parfaite coordination des Biden père et fils dans le business familial. Sans parler de documents visuels que la prudence et la pudeur m’empêchent d’évoquer ici.

Le Bidengate, ce scandale qui ne peut pas exister.

Le système mafieux du clan Biden est l’«éléphant dans la pièce» du mainstream médiatique, aux USA comme ailleurs. C’est un tabou absolu. Dans le domaine francophone, l’Antipresse a livré la seule description approfondie de cette multinationale du trafic d’influence(2). Le rebondissement rocambolesque du disque dur de Hunter Biden était lui aussi un sujet en or pour le journalisme d’enquête.

Glenn Greenwald, l’homme qui a révélé au monde le témoignage d’Edward Snowden, l’avait bien flairé. Mal lui en a pris. En 2014, soucieux d’indépendance et fort de son prestige mondial dans la profession, Greenwald avait cofondé une plateforme d’enquête de haute volée, The Intercept, qui se donnait la mission et les moyens d’être une référence du journalisme «sans peur et sans compromis». Lorsqu’il a annoncé à ses collègues un papier sur le rôle des médias dans l’étouffement du scandale Hunter Biden, il a été lui-même étouffé par son propre conseil de rédaction! Il a aussitôt démissionné du titre qu’il avait créé (et qui l’a «remercié» avec une lettre d’adieux ignoble). Greenwald s’est rabattu sur le «modèle Antipresse»: le journalisme en mode cavalier seul, par newsletter sur abonnement. Il a laissé en libre accès son article sur Joe et Hunter Biden censuré par The Intercept.

En fin de compte, cet homme de gauche que nul ne peut suspecter de sympathies trumpiennes s’est vu obtenir une tribune chez le conservateur Tucker Carlson sur Fox News! Il y affirme notamment que les médias et le renseignement travaillent main dans la main pour manipuler les Américains. A ce train-là, le mainstream médiatique sera bientôt vidé de ses derniers éléments honnêtes et capables.

La vraie vie dérange? On la déconnecte.

Bref, dans l’univers narratif des médias, la correspondance compromettante de Hunter Biden est une invention des complotistes trumpiens. Alors que dans le monde réel, son existence est incontestable (d’ailleurs le camp Biden ne la conteste pas). Mais le monde réel est ubérisé. Il est convoqué à la carte, uniquement lorsqu’il peut appuyer la narration médiatique. Lorsqu’il la contredit, on le débranche.

Le coup de théâtre des présidentielles 2020 est d’ores et déjà entré dans la culture populaire avec le fameux bond vertical des courbes bleues, survenu à point pour lui faire franchir la barre dans des États clefs. La loi de Benford, ou loi des nombres anormaux, utilisée routinièrement pour détecter les fraudes fiscales, est restée au placard. A quoi bon la sortir, puisqu’elle «fait référence à une fréquence de distribution statistique observée empiriquement sur de nombreuses sources de données dans la vraie vie»? Nous ne sommes pas ici dans la vraie vie, mais dans une construction narrative dont le profil du héros fournit lui-même la clef.

Qui, dans la vraie vie, songerait un seul instant à confier les rênes du plus puissant État du monde à un vieillard au cerveau grillé? Les aventures de Sleepy Joe obéissent non aux lois de la vie publique — fût-ce dans la série House of Cards — mais aux règles du dessin animé: le héros peut tomber du dixième étage ou sauter sur une mine, il sera intact ou à peine noirci à la seconde suivante. Dans la vraie vie, pour accréditer la victoire de Biden autrement que par le résultat contesté des urnes, on serait allé comparer — par exemple — la popularité de ses meetings avec celle de Trump, ou le nombre de ses followers avec celui du rouquin. On s’en est bien abstenu, car il n’y a aucune proportion.

Trump a enchaîné les bains de foule, Biden a mené l’essentiel de sa campagne en vidéo. Ses meetings en «présenciel» ont été souvent des bides complets. A l’occasion de ce vote, par ailleurs, les minorités non-blanches ont infligé un camouflet historique au parti démocrate qui les courtisait et soutenu le candidat républicain plus massivement qu’ils ne l’avaient fait depuis 60 ans. Même les électeurs musulmans, dans une «volte-face choquante» (selon MSN), ont déclaré davantage d’intentions de vote pour Trump que pour… Obama! Parce que, selon eux, il «fait ce qu’il dit». Au bout du compte, Trump aura accru de presque dix millions de voix son soutien par rapport à 2016. Bref, selon les critères de la vie réelle, les commentateurs auraient eu de bonnes raisons de s’interroger sur le fonctionnement du processus électoral.

Mais il y a belle lurette que les critères de la vie réelle sont écartés des rédactions capables de se purger elles-mêmes pour manque d’inclusivité, pour machocentrisme ou pour… un excès de tolérance aux opinions contradictoires (voir l’affaire Bari Weiss dans «New York Times, la spirale de l’obscurantisme», Antipresse 242 | 19/07/2020). Pourquoi les journalistes et les sondeurs qui avaient annoncé contre toute vraisemblance une déferlante bleue venant balayer le rouquin et son dernier carré de crétins blancs racistes se discréditeraient-ils en reconnaissant l’ampleur de la vague rouge alors qu’ils peuvent tout simplement l’ignorer, de même qu’ils ignorent leurs propres et constantes erreurs de jugement? Dans un univers entièrement médiatisé, il est plus aisé de maquiller ou d’effacer la réalité que de remettre en question les présupposés idéologiques. Aussi la fiction se poursuivra de plus belle. Jusqu’à ce que, comme dans l’ex-URSS, la réalité la rattrape sans prévenir et la fasse crouler du jour au lendemain.

Guerre médiatique, le débriefing.

Dans l’intervalle, et quelle que soit l’issue de ce pugilat électoral, cette élection et les quatre années qui l’ont précédée auront été une incroyable mine d’enseignements. Retenons-en trois pour commencer:

1) On aura appris que les structures également nommées État profond n’ont plus besoin de personne pour gouverner et que «leur» candidat pourrait être littéralement un simple d’esprit. Cela donne corps à l’idée d’une démocratie simulacre chère à Chomsky et d’une Amérique régie par une aristocratie financière telle qu’exposée, notamment, par le professeur Carroll Quigley, insider du système et maître à penser de Bill Clinton (et sur qui nous reviendrons).

2) On aura compris pourquoi les Démocrates ont, par deux fois, risqué le suicide en écartant le seul candidat capable de battre Trump dans la vie réelle: le socialiste dogmatique et populiste Bernie Sanders aurait sans doute plus résolument attaqué la mafia Biden-Clinton que le rouquin vantard, lui-même issu de l’oligarchie.

3) On aura saisi la puissance de la mise en réseau de l’information, décentrée et «citoyenne», qui aura permis à Trump de faire jeu égal avec le candidat des médias de grand chemin malgré l’hostilité irrationnelle du mainstream. Une hostilité que Trump a délibérément entretenue et qui a conduit le mainstream à se discréditer jusqu’au bout — notamment en diffusant n’importe quel bobard lié au Russiagate — tout en ne réussissant pas à entamer la popularité de l’adversaire.

Rien que pour la leçon de combat médiatique qu’il a fournie au long de ces quatre années, faisant entrer la réalité du deep state dans la conscience et le langage communs, Donald Trump pourrait être rangé parmi les grands lanceurs d’alerte de ce début de millénaire. Ce n’est pas le moins cocasse des paradoxes.

Notes

«C’est faux — et pas que d’un peu. Biden a surestimé le nombre de morts militaires du Covid de 6 107 et les infections de près de 79 000.

Il y a eu sept décès dans l’armée dus au Covid-19 et 40.026 cas au 9 septembre, selon le Département de la Défense.» (CNN, 9.9.2020)

Voir Arnaud Dotézac: «Affaire Biden, épisode 1: au paradis des emplois fictifs», Antipresse 205 | 03/11/2019;

 «Affaire Biden, épisode 2: officine de la CIA à Kiev», Antipresse 206 | 10/11/2019.

L’éditorial en vidéo: https://youtu.be/JoxjSBTewqQ

La C0VlD-orthodoxie de gauche, ou la pensée de l’essaim.

Extrait de l’Antipresse n° 257 de Slobodan Despot (https://antipresse.net/)

Texte paru dans le magazine Kopp exklusiv 37/2020, pages 5–6, sous le titre «Die Macht des linken Schwarms». Traduit et adapté de l’allemand par le Dr Walter Habicht avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

On l’aura remarqué: la gauche institutionnelle, partout en Europe, est à la pointe de la stratégie de la peur et milite pour la censure de tout débat sur la gestion du Covid. Quelqu’un donne-t-il des ordres pour que tant d’éditorialistes et de politiques disent et pensent la même chose au même moment? Non, explique l’éditeur et analyste Werner Reichel: un essaim, un vol d’oiseaux ou un banc de poisson se pilote sans tête. L’important est de ne pas se détacher de l’essaim (1).

Les gauchistes prêtent aux adversaires de la dictature sanitaire des idées aussi simplistes que les leurs

Dans les débats sur le Coronavirus, tous les citoyens qui mettent en doute les politiques actuelles sont globalement dénoncés comme nostalgiques du Reich, comme extrémistes de droite, ou encore comme «covidiots» (selon Mme Merkel, après les grandes manifestations de Berlin) et complotistes.

Sur le site d’une radio allemande officielle, la Mitteldeutscher Rundfunk (MDR), on peut lire un article de niveau boulevardier intitulé «Les mythes complotistes les plus dingues au sujet du Covid – voilà pourquoi ils sont faux». Et: «En Allemagne, la presse est libre, et pour cette raison on y a le droit de répandre même des théories du complot, en partie complètement délirantes.»

La censure remplace les arguments

Mais dans les milieux de gauche, depuis de début la crise du coronavirus, les libertés des citoyens n’ont plus la cote. La MDR les voit avant tout comme un obstacle pour la lutte contre une infection supposée très dangereuse. On ne veut pas s’abaisser à entrer en matière avec les critiques de la politique sanitaire. Les arguments et les faits soi-disant à disposition du «bon côté», sont trop bancals. Aussi l’on réclame de plus en plus bruyamment la censure et l’interdiction des réunions. Les «corona-négationnistes» dérangent, ils font obstacle à la transformation gauchiste de la société, transformation qui avance bon train depuis le début de la crise. Les «covidiots» dérangent le jeu des gauchistes, qui ont vu dans le Covid un game-changer.

Dès lors, on essaie de ridiculiser les opposants comme «complotistes» afin de pouvoir les exclure du débat public. On ne trouve pour ainsi dire de critique approfondie de la politique du coronavirus que dans les canaux internet à l’écart des médias «officiels». Ces derniers fonctionnent désormais comme simples porte-voix du gouvernement. Tout individu qui suspecte que des pouvoirs et des gens mal intentionnés tirent les ficelles en coulisses doit être un idiot, et par conséquent on peut l’exclure de la discussion publique.

Tout le monde dans le même sac

On attribue aux opposants politiques des attitudes et des convictions caricaturales qu’ils ne partagent pas, sauf une très petite frange d’entre eux. Les critiques actuels de la gestion du Corona appartiennent à des camps politiques, des milieux sociaux et des courants de pensée extrêmement variés. On fait croire que tous dont convaincus d’une conspiration mondiale planifiée et gérée par une personne seule ou une petite clique. Ceci est, bien sûr, une conception bien trop simpliste du fonctionnement réel du pouvoir. Il y a quelques individus isolés qui le croient, mais pour la grande plupart des corona-critiques, cela n’est pas le cas.

Les gens de gauche n’imaginent en aucun cas qu’eux-mêmes puissent faire partie d’une semblable «conspiration»: jamais un «personnage obscur» ne les a invités à une rencontre de coordination. Le gauchiste moyen est, tout au contraire, fermement convaincu d’avoir une opinion indépendante, non influencée par autrui, et qu’il affirme inébranlablement. Il se voit comme un résistant actif à une domination droitière qui n’existe que dans l’imagination des médias et des milieux de gauche. Le pigiste de la presse de grand chemin, le prof de lycée, la cadre du parti des Verts ou encore le préposé aux questions de genre le croient vraiment. Les gauchistes considèrent les idées de la conspiration des covidiots comme aussi simplettes que les leurs propres.

Mais en vérité, la gauche et les opportunistes font effectivement partie – non pas d’une conspiration – mais de l’État profond, donc d’un réseau politique, d’un très grand mouvement social, et qui est d’une grande longévité. Qu’ils en soient conscients ou non.

L’État profond n’a pas besoin de meneurs qui tirent les ficelles. Il n’a besoin de personne pour diriger le réseau de façon centralisée. Il a justement ceci de typique qu’il est indépendant des personnes et des intérêts particuliers. L’État profond, ce sont les forces qui définissent l’orientation de l’évolution sociétale indépendamment du pouvoir politique du moment. Il fonctionne comme un vol d’oiseaux ou un banc de poissons.

Quand l’esprit de meute sert de GPS

Un vol d’oiseaux ou un banc de poissons n’ont pas de meneur. Personne n’explique à la sardine ou à l’hirondelle individuelle ce qu’elle doit faire. Un banc de poissons se forme et fonctionne sans chaos parce que chaque petit poisson sait instinctivement quel mouvement ou quel changement de direction il doit accomplir. Chaque sardine se cale sur le comportement de ses voisines immédiates. Celle qui sort du banc risque d’être dévorée par des prédateurs.

Cette peur fatale du petit poisson est partagée par la grande majorité des humains. Eux aussi ont peur de sortir du banc, d’attirer l’attention de gens qui désapprouvent leurs avis «contestables» dans leur entourage social. Tout comme pour la petite sardine, leur écart pourrait avoir des conséquences fatales. Qui veut rester dans le banc et avoir un futur, suit tout mouvement du banc sans beaucoup y réfléchir.

Pour cette raison, le petit rédacteur, l’institutrice, l’acteur ou le fonctionnaire, ne voulant pas être exclus ou entrer en collision avec les autres membres du banc, savent bien ce qu’ils doivent faire, quand et dans quelle situation. Pour cela, ils n’ont besoin ni d’ordres, ni d’instructions, ni de consignes, ni d’ententes secrètes ni de conspirations.

Autrement, ils ne maintiendraient pas leur position dans le vol. La bonne tenue dans l’essaim, on l’apprend depuis l’enfance. D’ailleurs, cela n’a rien a voir avec une «intelligence collective» (Schwarm-Intelligenz) qui, comme telle, n’existe pas. Un média de grand chemin n’a besoin de personne pour lui dire ce qu’il doit écrire sur les manifestations anti-Covid à Berlin, personne ne doit expliquer à une vedette de la télévision comment elle doit commenter les événements dans le contexte du virus ou de la migration. Aucun expert médiatisé n’a besoin des instructions d’un supérieur pour savoir dans quel sens orienter son analyse. De même monsieur tout le monde, lui aussi, sait instinctivement ce qu’il a le droit de penser et de dire.

Qui ne nage pas avec les autres poissons n’est plus membre du banc, mais un «covidiot». Dans les sociétés européennes, les bancs de gauche sont de loin les plus massifs. Depuis les années post-soixante-huit, ils ont pénétré à fond tous les secteurs cruciaux de la société, tels que médias, administration, culture, justice, science, société civile ou églises.

Peu importe en principe qui est chef d’état en Allemagne. Peu importe qui est chef de la télévision publique ou qui est nommé évêque.

Même en Autriche, où pour un bref moment un gouvernement de droite conservatrice aura été au pouvoir, ceci n’a rien changé, ou bien peu de choses, à la prédominance de la mentalité de gauche dans le pays et dans la vie des citoyens. On ne peut donner de réponse à la question de savoir si ce sont les médias qui influencent les politiciens ou si les politiciens définissent la ligne des médias. Les deux camps s’adaptent l’un à l’autre selon la situation.

On l’a bien vu quand le banc gauchiste est parti en hystérie en 2015 avec son «refugees welcome». Le plus grand danger pour le banc de gauche est que de plus en plus d’éléments s’en détachent furtivement. La force du banc réside uniquement dans sa taille. C’est pourquoi l’establishment politique et les autres membres du banc manifestent une réaction violente et agressive à la critique et à l’opposition montante contre la corona-politique. Ils sont affolés par les grandes manifestations à Berlin rassemblant des milliers de citoyens, alors même qu’on avait actionné tous les leviers pour casser le mouvement. Un banc concurrent est en train de se former, qui met en danger les buts et les intérêts de l’État profond.

Ne pas lâcher le contrôle du récit

On a dépassé de loin la question du virus et de la lutte contre une maladie particulière. L’enjeu tient dans la maîtrise narrative (Deutungshoheit, «souveraineté intellectuelle», NdT) de la crise. Les gauchistes ont reconnu dans le coronavirus une rare occasion de réaliser rapidement et sans détours leurs plans socialistes d’économie planifiée, de dépossession, de limitation des droits et de contrôle total des citoyens. Aucun leader politique ou intellectuel de la gauche n’a sonné la charge. Le banc de gauche s’est orienté spontanément.

Le processus est intéressant à observer : au début de la crise du coronavirus, la gauche ne savait pas encore comment se positionner face à la pandémie. Le banc montrait une réaction chaotique et hétérogène. Au début, de nombreux gauchistes disaient que le Covid-19 n’était pas plus dangereux qu’une grippe de type influenza – par exemple, le ministre de la santé autrichien, Rudolf Anschober, du parti des Verts. D’autres estimaient que la droite pourrait instrumentaliser le coronavirus pour remettre en selle l’État nation, tellement détesté par la gauche, et qu’il ne fallait fermer les frontières en aucun cas.

Mais les gauchistes ont vite compris ce qu’ils devaient faire et comment exploiter la peur du virus. Ils n’avaient besoin de nul, chef suprême ou tireur de ficelles. Ils ont réagi comme un banc de poissons. Mais chaque poisson de gauche, si insignifiant soit-il, se prend pour quelqu’un d’important, d’autonome et de novateur. Les covidiots, nageant à l’écart de ce banc de poissons, dérangent cette prétention. Hormis la quête et le maintien du pouvoir, ceci est probablement l’explication principale de cette réaction aussi agressive des médias et des politiques face aux «covidiots», aux «complotistes» et aux «extrémistes de droite».

Texte paru dans le magazine Kopp exklusiv 37/2020, pages 5–6, sous le titre «Die Macht des linken Schwarms». Traduit et adapté de l’allemand par le Dr Walter Habicht avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Photo James Wainscoat sur Unsplash.

Note
  1. Le terme exact serait l’essaim (Schwarm). En allemand, ein Vogelschwarm = une volée d’oiseaux, ein Fischschwarm = un banc de poissons, die Schwarmintelligenz = l’intelligence collective. (NdT)

Une réflexion interpellante de Slobodan Despot

LE BRUIT DU TEMPS par Slobodan Despot

Extrait du n° 250 du magazine Antipresse.

LES YEUX GRANDS FERMÉS

A quoi bon fouiller le dessous des cartes quand leur face visible vous dit déjà tout? Ou comment notre esprit se laisse séduire par des récits qui prétendent donner un sens au chaos ambiant. Et comment s’arracher à cette séduction…

Le soir du dimanche 6 septembre, une correspondante m’envoyait un lien vers un site d’apparence administrative, accompagné d’un simple mot: «énorme!». Intrigué, je l’ai ouvert. Le site WITS (World Integrated Trade Solution) appartient à la Banque mondiale. Il répertorie les transactions à l’export et à l’import des Etats. Mon lien renvoyait à la statistique d’export-import de la France concernant un produit répertorié par le code 902780 et libellé «Instruments et appareils de test et diagnostic COVID-19».

Enoooorme!… ou pas?

Un résumé d’en-tête précisait que les exportations françaises de ces équipements totalisaient un montant de 411.410 dollars, et étaient principalement dirigées vers l’Allemagne. Le problème était que ces transactions dataient de 2018! On pouvait même trouver des chiffres pour 2017.

En attendant de comprendre, j’ai mis de côté une copie d’écran, et informé quelques contacts à la tête froide. L’un de ces contacts a également effectué une sauvegarde sur Wayback Machine, l’archive des sites internet.

«La pandémie du coronavirus a été anticipée, et même planifiée sous le nom de COVID-19 par la majorité des gouvernements du monde. Et ce, depuis au moins trois ans!» Telle était la conclusion immédiate qu’on pouvait tirer à la lecture de ces listes. Car la désignation COVID-19 affectait bien d’autres pays et d’autres produits.

Cette impression d’être tombé sur une «preuve capitale» était encore renforcée par le fait que, dans la soirée même, vers 23h, les administrateurs du site avaient complètement reformulé la désignation de ces matériels pour éliminer l’étiquette COVID. J’ai vu cette modification s’effectuer pratiquement sous mes yeux, et l’on m’a même transmis la vidéo d’un écran filmé où l’opération se faisait magiquement en temps réel, par simple rafraîchissement du navigateur.

Et soudain, plus de «matériel de test COVID-19»! Une note d’en-tête stipule sobrement, en anglais, que «Les données ici affichées répertorient les dispositifs médicaux existants qui sont désormais classés par l’Organisation mondiale des douanes comme essentiels pour lutter contre la COVID-19» et renvoyait sur la nomenclature correspondante de ladite organisation.

Inutile de préciser que la rectification n’a pas refroidi les esprits suspicieux qui se multiplient par ces temps d’absurdité. Le seul moyen d’en avoir le cœur net eût été de retrouver quelque part sur l’internet une archive de ce site remontant à une date antérieure à 2020. Il n’y en avait pas (ou du moins je n’en ai pas trouvé). Le doute profite à la paranoïa et le très technique site WITS était soudain devenu mondialement célèbre.

J’ai soumis cette curieuse «révélation» à un examen rationnel. Que pouvait signifier un tel «aveu». J’ai abouti à trois hypothèses possibles.

a) Le complot

L’appellation COVID-19 est antérieure à l’apparition de l’infection et les gouvernements se sont coordonnés pour mettre en place une dictature mondiale en utilisant comme alibi une pandémie planifiée.

b) La reclassification

Dans le cadre d’une coordination internationale pour la lutte contre la pandémie, la BM a appliqué l’étiquette «COVID-19» a posteriori à des matériels pouvant être utilisés à cet effet, mais qui avaient été vendus ou achetés en 2017–2018.

c) L’appât

Le site a été délibérément piégé pour susciter une rumeur complotiste 1 qu’il serait aisé par la suite de démentir — compromettant au passage ses propagateurs. Le procédé est assez routinier en matière de propagande et dans les opérations de manipulation des masses.

Réfléchissons un instant

L’option c (appât) nous plonge dans la littérature d’espionnage, mais n’est pas entièrement insensée. Il est possible de lancer des «marqueurs» dans le magma des réseaux sociaux — comme on colore un cours d’eau souterrain pour voir où il va émerger — et aider ainsi les algorithmes d’intelligence artificielle à comprendre la rhétorique et les ramifications de la «complosphère» pour mieux la contôler. On peut étudier, dans un domaine parallèle, l’encadrement scientifique du phénomène Greta Thunberg (voir Arnaud Dotézac: «Le test Greta», Antipresse 201 | 06/10/2019).

L’option b (reclassement) apparaissait comme la plus crédible, parce que la plus triviale. La Banque mondiale a confirmé à l’agence AP que les produits étaient disponibles avant le COVID-19 pour d’autres utilisations, mais ont récemment été désignés pour soutenir les efforts liés au COVID-19. Mais la trivialité n’est pas une garantie. En tout cas, cette justification n’a pas mis un frein à la rumeur. On peut d’ailleurs s’interroger sur cette mise à jour précipitée de dimanche soir, mais aussi sur l’immense bourde, ou provocation, qu’il y avait à associer sans explication le mot-clef «COVID-19» avec des opérations vieilles de deux ou trois ans.

Reste l’option du complot. Malgré son absurdité fondamentale (comment aurait-on imposé une telle conjuration du secret à des gouvernements qui se font par ailleurs la guerre?), elle avait quelque chose de séduisant. Elle permettait d’expliquer des phénomènes inexplicables que nous avons observés depuis le déclenchement de l’alerte:

  • le comportement à la fois erratique et contradictoire — mais toujours péremptoir — des autorités;
  • le court-circuitage des plans «pandémie» existants (comme en Suisse);
  • une communication insistant lourdement sur la manipulation de la peur;
  • la mise en quarantaine de populations sans symptômes;
  • la désactivation des médecins de ville et l’entrave mise à leur mission première (aider leurs patients);
  • l’oubli de la prophylaxie traditionnelle des grippes et maladies respiratoires (conseils d’hygiène, grand air, vitamines, etc.);
  • la primauté de l’OMS sur les instances nationales malgré ses compromissions et ses erreurs graves;
  • l’insistance sur la vaccination systématique des populations (sans même qu’on ait un vaccin);
  • la guerre faite à la seule thérapie disponible et à son promoteur le Dr Raoult;
  • le règne des «conseils scientifiques» bardés de modélisations numériques mais sans contact avec les patients;
  • l’hypothèse d’un virus fabriqué (selon le professeur Montagnier);
  • le traitement monstrueux des personnes âgées dans les maisons de retraite, premières victimes du virus allié à l’inhumanité ambiante (comment, avec le peu d’immunité qu’il leur reste après de tels «soins», les survivants du printemps 2020 passeront-ils l’hiver qui vient?);
  • les prophéties arbitraires liées à une deuxième vague ou à la durée de la crise, astrologiquement fixée à un horizon de deux ans,
  • l’absence de discussion critique et publique sur les mesures prises et leur opportunité, etc.

Bref, comment rationaliser ce scénario loufoque, donnant l’impression que nous n’avons plus affaire à des personnes responsables chacune dans son domaine, mais à des automates répercutant un programme écrit d’avance et totalement inaccessible aux démentis de la réalité? L’hypothèse du complot avait, à la rigueur, quelque chose de rassurant: elle nous laissait croire que les dirigeants étaient certes malveillants, mais capables. Capables, par exemple, de planifier un coup d’Etat à l’échelle mondiale sur plusieurs années sans vendre la mèche — et d’affronter du même coup le jugement de l’histoire.

S’il n’y a aucun complot, que nous reste-t-il? La perspective d’une classe dirigeante totalement inapte au service, corrompue matériellement et plus encore mentalement car terrorisée par le «risque zéro» — autre nom du rejet de la responsabilité et du refus de gouverner -, dénuée de tout courage et de toute inventivité, uniquement soucieuse de se couvrir le derrière en faisant comme tout le monde. Et ce, quel qu’en soit le prix pour la communauté dont elle a la charge.2

A quoi ai-je donc perdu mon temps? ai-je fini par me dire. Si cette soirée de vaine investigation m’a servi à quelque chose, ce fut avant tout à traquer les biais et les attentes secrètes de mon propre cerveau, qui avait cédé ne fût-ce que pour quelques minutes à une explication unifiée des événements, qui rassure et qui met de l’ordre dans le chaos. Mais ce fut aussi l’occasion d’une méditation de plus sur le statut de la vérité dans le monde. Si d’aventure j’avais trouvé la preuve irréfutable d’une conjuration «covid» impliquant presque tous les Etats, qu’est-ce que cela aurait changé? Fallait-il la publier?

Le baptême de vérité

Nous sommes dans une société gouvernée par le virtuel, les perceptions de la réalité, non par la réalité elle-même.3 La réalité est dure, mais les perceptions sont malléables, pour peu qu’on s’en donne le pouvoir et la masse critique. Comme le montre Jacques Baud (voir le compte rendu de son livre dans ce même numéro), les Etats et leurs médias affiliés gouvernent donc massivement au moyen des fake news, donc d’une réalité de substitution. Néanmoins, cela veut dire en creux que la vérité des faits existe. Mais la traque des complots — c’est-à-dire des structures cachées — nous distrait de la compréhension des structures évidentes. Le régime d’exception actuellement imposé viole suffisamment de constitutions, de lois et coutumes, de constantes anthropologiques et de droits humains pour qu’on perde son temps à enquêter sur ses mobiles et tireurs de ficelles «cachés». Pendant ce temps, les responsables visibles ne sont pas inquiétés.

En quoi, observeront les stratèges, le complotisme est un allié du pouvoir au même titre que le terrorisme. A ce sujet, le bref et troublant essai de Michel Bounan sur La logique du terrorisme (éd. Allia) remet bien des pendules à l’heure. Clamer les vérités interdites avant l’heure et en position de minorité extrême ne fait que renforcer le mensonge en place en lui offrant des «adversaires» pittoresques et solitaires à combattre.4

Les chercheurs qui tiennent à leur carrière évitent, simplement, de toucher aux sujets minés. On ne peut entièrement leur donner tort. Le fait de contester les mensonges admis, fussent-ils grossiers, vous met au ban de la société – et, du même coup, cela prive cette même société de toute votre contribution intellectuelle, artistique et simplement humaine qui pourrait par ailleurs lui être précieuse. Les contestataires, les éternels dissidents sont en règle générale des personnes de caractère, indépendantes et curieuses qui enrichissent objectivement le monde. Mais par leurs prises de position, ils s’en excluent souvent eux-mêmes. Entre vérité et vie sociale, où se situe la mesure?

Le monde où nous vivons ressemble au film occulte de Kubrick, Eyes Wide Shut. Nous devons louvoyer entre des abîmes en nous persuadant que ce sont nos nouveaux trottoirs, adopter l’absurde comme la nouvelle normalité. Les masques imposés qui n’arrêtent aucun virus n’ont pas une fonction sanitaire, mais une fonction rituelle. Nous participons à un rite thanatolâtre auquel nous a conduit la dégradation progressive de nos raisons de vivre. Le grand historien russe Lev Goumilev reliait d’ailleurs la naissance et la fortune des civilisations au degré d’engagement passionnel de ceux qui la construisaient. Lorsque la passionarité s’étiole et que l’égoïsme prend le dessus, toute une civilisation se pétrifie en rites dépourvus de contenu, développe ses poisons internes (antisystèmes) et se dessèche comme une plante sans eau.

Une certaine fraction de nos contemporains contemplent ce rite de l’extérieur. Certains essaient de lui trouver des mobiles humains ou supra-humains et de les dénoncer. D’autres se contentent d’observer. Chacun assume son baptême de vérité comme il l’entend et comme il le peut. Ils ont pour point commun de ne pas vouloir vivre les yeux grands fermés.

Réflexion de Slobodan Despot

Où il sera question d’uchronies qui se réalisent sous nos yeux, des rues désertées de Brescia, de la nouvelle religion à laquelle nous sommes tous prier d’adhérer, de la signification des «smart cities» dans le projet du nouvel ordre social, de ce projet lui-même, du refuge des «chemins noirs», de la taille de l’homme et de la beauté d’une soirée d’été!