Extrait de l’Antipresse n° 257 de Slobodan Despot (https://antipresse.net/)
Texte paru dans le magazine Kopp exklusiv 37/2020, pages 5–6, sous le titre «Die Macht des linken Schwarms». Traduit et adapté de l’allemand par le Dr Walter Habicht avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
On l’aura remarqué: la gauche institutionnelle, partout en Europe, est à la pointe de la stratégie de la peur et milite pour la censure de tout débat sur la gestion du Covid. Quelqu’un donne-t-il des ordres pour que tant d’éditorialistes et de politiques disent et pensent la même chose au même moment? Non, explique l’éditeur et analyste Werner Reichel: un essaim, un vol d’oiseaux ou un banc de poisson se pilote sans tête. L’important est de ne pas se détacher de l’essaim (1).

Les gauchistes prêtent aux adversaires de la dictature sanitaire des idées aussi simplistes que les leurs
Dans les débats sur le Coronavirus, tous les citoyens qui mettent en doute les politiques actuelles sont globalement dénoncés comme nostalgiques du Reich, comme extrémistes de droite, ou encore comme «covidiots» (selon Mme Merkel, après les grandes manifestations de Berlin) et complotistes.
Sur le site d’une radio allemande officielle, la Mitteldeutscher Rundfunk (MDR), on peut lire un article de niveau boulevardier intitulé «Les mythes complotistes les plus dingues au sujet du Covid – voilà pourquoi ils sont faux». Et: «En Allemagne, la presse est libre, et pour cette raison on y a le droit de répandre même des théories du complot, en partie complètement délirantes.»
La censure remplace les arguments
Mais dans les milieux de gauche, depuis de début la crise du coronavirus, les libertés des citoyens n’ont plus la cote. La MDR les voit avant tout comme un obstacle pour la lutte contre une infection supposée très dangereuse. On ne veut pas s’abaisser à entrer en matière avec les critiques de la politique sanitaire. Les arguments et les faits soi-disant à disposition du «bon côté», sont trop bancals. Aussi l’on réclame de plus en plus bruyamment la censure et l’interdiction des réunions. Les «corona-négationnistes» dérangent, ils font obstacle à la transformation gauchiste de la société, transformation qui avance bon train depuis le début de la crise. Les «covidiots» dérangent le jeu des gauchistes, qui ont vu dans le Covid un game-changer.
Dès lors, on essaie de ridiculiser les opposants comme «complotistes» afin de pouvoir les exclure du débat public. On ne trouve pour ainsi dire de critique approfondie de la politique du coronavirus que dans les canaux internet à l’écart des médias «officiels». Ces derniers fonctionnent désormais comme simples porte-voix du gouvernement. Tout individu qui suspecte que des pouvoirs et des gens mal intentionnés tirent les ficelles en coulisses doit être un idiot, et par conséquent on peut l’exclure de la discussion publique.
Tout le monde dans le même sac
On attribue aux opposants politiques des attitudes et des convictions caricaturales qu’ils ne partagent pas, sauf une très petite frange d’entre eux. Les critiques actuels de la gestion du Corona appartiennent à des camps politiques, des milieux sociaux et des courants de pensée extrêmement variés. On fait croire que tous dont convaincus d’une conspiration mondiale planifiée et gérée par une personne seule ou une petite clique. Ceci est, bien sûr, une conception bien trop simpliste du fonctionnement réel du pouvoir. Il y a quelques individus isolés qui le croient, mais pour la grande plupart des corona-critiques, cela n’est pas le cas.
Les gens de gauche n’imaginent en aucun cas qu’eux-mêmes puissent faire partie d’une semblable «conspiration»: jamais un «personnage obscur» ne les a invités à une rencontre de coordination. Le gauchiste moyen est, tout au contraire, fermement convaincu d’avoir une opinion indépendante, non influencée par autrui, et qu’il affirme inébranlablement. Il se voit comme un résistant actif à une domination droitière qui n’existe que dans l’imagination des médias et des milieux de gauche. Le pigiste de la presse de grand chemin, le prof de lycée, la cadre du parti des Verts ou encore le préposé aux questions de genre le croient vraiment. Les gauchistes considèrent les idées de la conspiration des covidiots comme aussi simplettes que les leurs propres.
Mais en vérité, la gauche et les opportunistes font effectivement partie – non pas d’une conspiration – mais de l’État profond, donc d’un réseau politique, d’un très grand mouvement social, et qui est d’une grande longévité. Qu’ils en soient conscients ou non.
L’État profond n’a pas besoin de meneurs qui tirent les ficelles. Il n’a besoin de personne pour diriger le réseau de façon centralisée. Il a justement ceci de typique qu’il est indépendant des personnes et des intérêts particuliers. L’État profond, ce sont les forces qui définissent l’orientation de l’évolution sociétale indépendamment du pouvoir politique du moment. Il fonctionne comme un vol d’oiseaux ou un banc de poissons.
Quand l’esprit de meute sert de GPS
Un vol d’oiseaux ou un banc de poissons n’ont pas de meneur. Personne n’explique à la sardine ou à l’hirondelle individuelle ce qu’elle doit faire. Un banc de poissons se forme et fonctionne sans chaos parce que chaque petit poisson sait instinctivement quel mouvement ou quel changement de direction il doit accomplir. Chaque sardine se cale sur le comportement de ses voisines immédiates. Celle qui sort du banc risque d’être dévorée par des prédateurs.
Cette peur fatale du petit poisson est partagée par la grande majorité des humains. Eux aussi ont peur de sortir du banc, d’attirer l’attention de gens qui désapprouvent leurs avis «contestables» dans leur entourage social. Tout comme pour la petite sardine, leur écart pourrait avoir des conséquences fatales. Qui veut rester dans le banc et avoir un futur, suit tout mouvement du banc sans beaucoup y réfléchir.
Pour cette raison, le petit rédacteur, l’institutrice, l’acteur ou le fonctionnaire, ne voulant pas être exclus ou entrer en collision avec les autres membres du banc, savent bien ce qu’ils doivent faire, quand et dans quelle situation. Pour cela, ils n’ont besoin ni d’ordres, ni d’instructions, ni de consignes, ni d’ententes secrètes ni de conspirations.
Autrement, ils ne maintiendraient pas leur position dans le vol. La bonne tenue dans l’essaim, on l’apprend depuis l’enfance. D’ailleurs, cela n’a rien a voir avec une «intelligence collective» (Schwarm-Intelligenz) qui, comme telle, n’existe pas. Un média de grand chemin n’a besoin de personne pour lui dire ce qu’il doit écrire sur les manifestations anti-Covid à Berlin, personne ne doit expliquer à une vedette de la télévision comment elle doit commenter les événements dans le contexte du virus ou de la migration. Aucun expert médiatisé n’a besoin des instructions d’un supérieur pour savoir dans quel sens orienter son analyse. De même monsieur tout le monde, lui aussi, sait instinctivement ce qu’il a le droit de penser et de dire.
Qui ne nage pas avec les autres poissons n’est plus membre du banc, mais un «covidiot». Dans les sociétés européennes, les bancs de gauche sont de loin les plus massifs. Depuis les années post-soixante-huit, ils ont pénétré à fond tous les secteurs cruciaux de la société, tels que médias, administration, culture, justice, science, société civile ou églises.
Peu importe en principe qui est chef d’état en Allemagne. Peu importe qui est chef de la télévision publique ou qui est nommé évêque.
Même en Autriche, où pour un bref moment un gouvernement de droite conservatrice aura été au pouvoir, ceci n’a rien changé, ou bien peu de choses, à la prédominance de la mentalité de gauche dans le pays et dans la vie des citoyens. On ne peut donner de réponse à la question de savoir si ce sont les médias qui influencent les politiciens ou si les politiciens définissent la ligne des médias. Les deux camps s’adaptent l’un à l’autre selon la situation.
On l’a bien vu quand le banc gauchiste est parti en hystérie en 2015 avec son «refugees welcome». Le plus grand danger pour le banc de gauche est que de plus en plus d’éléments s’en détachent furtivement. La force du banc réside uniquement dans sa taille. C’est pourquoi l’establishment politique et les autres membres du banc manifestent une réaction violente et agressive à la critique et à l’opposition montante contre la corona-politique. Ils sont affolés par les grandes manifestations à Berlin rassemblant des milliers de citoyens, alors même qu’on avait actionné tous les leviers pour casser le mouvement. Un banc concurrent est en train de se former, qui met en danger les buts et les intérêts de l’État profond.
Ne pas lâcher le contrôle du récit
On a dépassé de loin la question du virus et de la lutte contre une maladie particulière. L’enjeu tient dans la maîtrise narrative (Deutungshoheit, «souveraineté intellectuelle», NdT) de la crise. Les gauchistes ont reconnu dans le coronavirus une rare occasion de réaliser rapidement et sans détours leurs plans socialistes d’économie planifiée, de dépossession, de limitation des droits et de contrôle total des citoyens. Aucun leader politique ou intellectuel de la gauche n’a sonné la charge. Le banc de gauche s’est orienté spontanément.
Le processus est intéressant à observer : au début de la crise du coronavirus, la gauche ne savait pas encore comment se positionner face à la pandémie. Le banc montrait une réaction chaotique et hétérogène. Au début, de nombreux gauchistes disaient que le Covid-19 n’était pas plus dangereux qu’une grippe de type influenza – par exemple, le ministre de la santé autrichien, Rudolf Anschober, du parti des Verts. D’autres estimaient que la droite pourrait instrumentaliser le coronavirus pour remettre en selle l’État nation, tellement détesté par la gauche, et qu’il ne fallait fermer les frontières en aucun cas.
Mais les gauchistes ont vite compris ce qu’ils devaient faire et comment exploiter la peur du virus. Ils n’avaient besoin de nul, chef suprême ou tireur de ficelles. Ils ont réagi comme un banc de poissons. Mais chaque poisson de gauche, si insignifiant soit-il, se prend pour quelqu’un d’important, d’autonome et de novateur. Les covidiots, nageant à l’écart de ce banc de poissons, dérangent cette prétention. Hormis la quête et le maintien du pouvoir, ceci est probablement l’explication principale de cette réaction aussi agressive des médias et des politiques face aux «covidiots», aux «complotistes» et aux «extrémistes de droite».
Texte paru dans le magazine Kopp exklusiv 37/2020, pages 5–6, sous le titre «Die Macht des linken Schwarms». Traduit et adapté de l’allemand par le Dr Walter Habicht avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
Photo James Wainscoat sur Unsplash.
Note
- Le terme exact serait l’essaim (Schwarm). En allemand, ein Vogelschwarm = une volée d’oiseaux, ein Fischschwarm = un banc de poissons, die Schwarmintelligenz = l’intelligence collective. (NdT)